& Et tant pis si c'est rendipe...

C'est rendipité. Sérendipité.

Ce mot (sans doute issu de l'histoire des trois princes de l'île de Sri Lanka, jadis appelée Serendip) me fait toujours penser à sérénité, rapidité, acidité, Œdipe, stupidité... juste par ses sonorités!

Et sans le savoir, notre vie est liée à ce mot par divers petits détails de notre quotidien comme le post-it utile (c'est rigolo à dire, ça!), l'accrocheur velcro, la délicieuse tarte Tatin, le fascinant four à micro-ondes...

... et les bêtises!

Et oui! A cause d'une bêtise, on a bien failli en venir aux mains au milieu du dix-neuvième siècle...  C'est qu'à cette époque, on ne rigolait déjà pas avec le copyright... Il faut dire qu'il rapporte des sous le petit ©...

Encore un mauvais coup de Ste Sérendipité...

1830 ? 1850 ? Incertitude!

Mimile, mitron, mitonne des bons bonbons dans la bonbonnière de son tonton. (J'aurais dû dire "confiserie de ses parents" mais ça gâchait l'allitération!)
Arpète, il fait une boulette: il laisse tomber de la menthe dans la pâte à berlingots... C'est ballot!
Et vas-y que j'te brasse, et vas-y que j'te brasse...
A force d'être brassée ou plutôt étirée, la jolie pâte blanchit et ni vu, ni connu, les berlingots mis en vente le dimanche sont achetés comme des berlingots du dimanche.
Sauf que le dimanche suivant, on redemande les berlingots du dimanche précédent, les berlingots du maladroit... Ben, oui, ma foi !
"C'est que vos bonbons de la semaine passée étaient fort bons, Madame Afchain !"
Et les berlingots de l'arpète partent comme des p'tits pains bien que ce soit des berlingots!

Je vous ai livré ici la version de la maison Afchain.

Dans la maison Despinoy, autre confiseur de Cambrai, on dit tout pareil sauf que le faiseur de boulette n'est pas le fils de la maison mais un simple marmiton (tontaine et tonton... quand je vous disais que l'tonton n'était pas loin!). Et en plus, il aurait donné, quelques années plus tard, le secret du bonbon à un concurrent intéressé! Vous me suivez ?

Et voilà que les deux confiseurs tirent à eux, non pas la couverture, mais la délicieuse pâte à sucre en revendiquant la paternité de la "bêtise". En effet, par sérendipité, le résultat de la manipulation accidentelle est devenu une valeur sûre et rentable: on a même appelé "bêtises de Cambrai" ces blanches friandises.

Pour éviter que les uns et les autres ne se cassent pendant trop longtemps du sucre sur le dos, un jugement mit fin en 1889 aux divergences d'opinion en proposant ce compromis:

• Afchain est reconnu comme « seul inventeur  »
• Despinoy est reconnu comme « créateur ».

Depuis 1992, les savoureux petits coussins aromatisés à la menthe, allégés par de minuscules bulles d'air et rayés d'une couche de sucre caramélisé sont classés au Patrimoine culturel immatériel de l'Humanité.

Mais que nous importe finalement de connaître le nom du génial créateur ou inventeur de ces douceurs... d'autant plus que dès le treizième siècle, on vendait déjà des rubans de sucre cuit  découpés sur place pendant les marchés aux bestiaux du Cambrésis...
Il suffisait juste d'y ajouter de la menthe, de l'air et une petite ligne de caramel...
Il suffisait de faire une bêtise!

Billet affectueusement dédicacé à Andiamo