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Mais non, je ne vous dis pas les cinq lettres ! Rrrhôôô!
Epamine, la maîtresse des lieux, qui a achevé son alphabet loufoque, s'attaque maintenant aux chiffres et chez Messire Odobenus rosmarus, cinq tirets, c'est moi.

C'est qui moi ? Je suis le plus nul de tous, le rien, l'ensemble vide, celui qu'on associe par principe au néant, à l'inexistant, celui qui n'a pas de nom dans un rang. Mais aujourd'hui, ici, je suis le premier! 

Ce n'est pas facile tous les jours d'être un zéro, croyez-moi! Vous voulez des preuves ?

Déjà, dès qu'on cite mon nom, j'entends en sempiternel écho "0+0 = la tête à Toto" au cas où, par hasard, j'oublierais ma nullité.

Et 0/20 en conduite, en dictée ou en problèmes, ça vous tente ? Non!

Avoir la boule à zéro, messieurs, vous en rêvez? Menteurs!

Avoir le trouillomètre à zéro, en voiture par exemple, vous appréciez ? Pas sûr !

Et faut-il que j'évoque avec vous le moral à zéro, les températures en-dessous de zéro, la jauge de carburant à zéro, votre compte à zéro ? Et en allemand, savez-vous comment on dit zéro ? Null !!! Vous avez compris? C'est nul d'être un zéro! Et dire qu'à deux lettres près, j'aurais pu être Zorro ou un héros!

Et pourtant, et c'est là que ça devient intéressant, je suis né pour boucher des trous. Vi, vi, vi, on m'a inventé car je manquais aux hommes.

Dans l'Antiquité, de braves gars (n'allez pas voir chez les Grecs, c'est pas eux!) trouvèrent qu'il manquait un truc, un petit rien, une babiole pour que leur monde tourne bien rond et ils me firent une petite place protégée [ ]. 

J'ai appris aussi qu'on avait longuement parlé de moi, il y a très longtemps chez les Mayas et au début du VIIème siècle dans le "Brahmasphutasiddhâta" du savant Brahmagupta (mais si c'est facile à lire, vous n'êtes pas des zéros, vous!) puis que je suis devenu un point, un petit bindu, cinq siècles plus tard, toujours en Inde. 

Mais ma naissance en tant que zéro dodu et potelé en occident fut des plus difficiles. On s'entretua pour que je survive. 

J'étais rejeté par les adeptes des chiffres romains, par les disciples d'Aristote qui niaient l'infini et le vide et par les fanatiques qui voyaient en moi un instrument du diable (ben voyons!). Je gênais!

C'est uniquement grâce aux marchands qui en avaient ras le chaperon ou ras la toque d'écrire en toutes lettres les sommes gagnées ou perdues qu'on se décida enfin à écrire les nombres avec 10 chiffres, dont moi. Selon notre position dans le nombre, nous en changeons la valeur: 105 euros c'est pas tout à fait la même chose que 510 euros, pas vrai?

Et vive Fifi (Signore Fibonacci) qui me donna un joli nom italien: il traduisit le mot arabe "sifr" en "zephirus" (c'est-y pas mimi, ce nom de vent doux?) qui devint "zevero" puis "zéro"!

Et si vous vous demandez pourquoi je suis rond comme une queue de pelle, c'est que l'on m'a dessiné à l'image de la voûte céleste, de la plénitude, du firmament... Je suis un gros nul céleste plein de poésie!

Mais comme tout n'est jamais parfait en ce bas monde et que le risque zéro n'existe pas, il m'arrive parfois quelques déconvenues avec l'O: on nous confond! Alors, afin d'éviter tout litige, on me barre, on me pointe, on m'ovalise.

Mais même si je suis totalement nul, vraiment rien, je vous sers en permanence:

• le méridien de Greenwich c'est le méridien moi, le début des longitudes; 
• minuit , c'est moi moi:moi moi, le début du jour; 
• niveau moi, c'est le rez-de chaussée, le début des altitudes, 
• moi% de matières grasses, de sucre, de truc et de machin, ça donne bonne conscience aux humains!
• et moi dans les numéros de séries des voitures Peugeot, c'était pour boucher le trou de la manivelle. Si! Voyez vous-même!

 Finalement, je ne suis pas si nul que ça! Je pourrais peut-être éditer un livre...