jeudi 29 octobre 2009

& Prénoms gravés

Ferdinand R. a 26 ans; il travaille enfin chez M. GEORGES, le boulanger du quartier et vient d'épouser Antoinette, sa douce "bonne amie" (comme on dit) depuis si longtemps...

Jules P. a 23 ans. Il aide son père à l'atelier de cordonnerie mais il voudrait bien devenir marin... Un jour, il fera son sac et partira, c'est sûr!

Charles M. est paysan, il a 39 ans. Il est marié avec Françoise et ils ont 4 enfants. L'aîné a été premier du canton au Certificat d'étude et fait la fierté de ses parents...

Maurice et Théophile H. sont jumeaux. Ils travaillent ensemble à la mine et habitent côte à côte dans la cité minière avec leur femme et leurs enfants.

Auguste C. est maréchal-ferrant. Sa douce Alice est brodeuse et ils viennent d'avoir une petite fille.

Il y a aussi Bernard, Gaston, Fernand, René, Simon, François, Nicolas, Pierre, Jean, Jacques et des dizaines, des centaines d'autres gars qui mènent leur vie aux quatre coins de la France. Tous ont des rêves, des espoirs, des chagrins, des bonheurs et l'envie de vivre, de fonder une famille, de voir grandir leurs enfants ou de parcourir le monde...

Le 1er août de cette année-là, les cloches de toutes les églises de France sonnèrent le tocsin.
Le 2 août, Maurice et Théophile, Auguste, Jules, Charles, Ferdinand, Bernard, Gaston et tous les hommes français âgés de 24 à 48 ans découvrirent la terrible affiche sur la porte de la mairie de leur commune respective:

MOBILISATION GÉNÉRALE!


Tous durent rejoindre rapidement les jeunes hommes de 21 à 23 ans qui servaient déjà sous les drapeaux (service militaire oblige!)...
Beaucoup d'entre aux ne revinrent pas.
Certains revinrent mais ils étaient presque morts, au dedans comme au dehors!

Que se passe-t-il, Epamin'?
Tes Esperluettes ne servent pas à parler de guerre, de morts, de pauvres gamins fusillés "pour l'exemple", de gueules cassées! On doit rire ici ou tout au moins sourire...


Oups! Pardon! Mais à l'approche du 11 novembre, par souci du devoir de mémoire (et par aucun autre sentiment en -isme!), j'ai envie d'évoquer 14/18 mais d'une façon "épaminesque"...

Quand "la paix" revint (vous voyez bien que je ne parle pas d'horreur dans mes esperluettes!), en plus de l'inhumation, sous l'Arc de Triomphe, du soldat inconnu qui symbolise tous les hommes morts au combat, on érigea dans chaque commune un monument pour se souvenir des chers disparus...

Et on inscrivit des mots forts sur les édifices: "A NOS HÉROS", "A NOS MARTYRS"...

Puis, un à un, par ordre alphabétique, les noms et les prénoms des hommes "morts pour la France" furent gravés en lettres dorées dans le marbre.
Ces innombrables fils, frères, pères, oncles, neveux, cousins, amis, disparus dans la boue et dans le sang, trônent triomphalement et à tout jamais au milieu de la place des villages, tout près des Hôtels de Ville, sur une plaque dans les salles de Conseil municipal ou encore dans les églises.

Oui, et même si cela peut paraître stupide, les monuments aux morts font partie de mes petits bonheurs et pour plusieurs raisons:
- ils appartiennent à notre patrimoine populaire au même titre que les écoles de Jules Ferry, que les ponts, que les lavoirs, que les puits, que les voies romaines, que les sentiers de GR...
- dans chacune de nos communes, ils sont la trace commune de notre histoire commune;
- ils laissent aux générations suivantes des noms, un témoignage, une preuve tangible des souffrances de nos aïeux et sur l'inutilité des guerres.
- ils nous donnent à réfléchir sur les valeurs de la société des années 20 et sur les nôtres...
- ils sont le fruit de souscriptions locales (moyen de financement assez peu répandu de nos jours, voire inconcevable, isn't it ?).
- enfin et surtout, chaque monument a sa propre histoire et je me plais à imaginer les conditions dans lesquelles ils furent édifiés.

Beaucoup de communes ont choisi l'obélisque, simplement, et l'ont orné d'un casque, d'une couronne de feuilles de chêne (Ah, les braves citoyens!), d'une couronne de laurier (Oh, les braves militaires!), d'une croix de guerre (bof! mais à l'époque ça valait 10 bons points, au moins!), d'une palme (une seule souvent, deux parfois mais c'est pas pour faire de la plongée!) et souvent d'un coq, perché tout en haut et parfois peint mais pas toujours du meilleur goût!!

Certains monuments se retrouvent à l'identique dans plusieurs communes car ils ont été manufacturés pour des raisons évidentes d'économie. On n'a pas trop de sous en 1920!


Ailleurs, et selon ce qu'il est advenu aux enfants de la commune, les scènes sculptées par des artistes, plus ou moins célèbres, représentent un Poilu courageux ou martyr ou héroïque. Il est en mouvement ou prend la pose, comme pour une photo; il est seul ou avec ses compagnons d'armes ou son chien; il est à l'agonie ou court vers la mort; il crie victoire ou pleure un camarade...
On voit aussi les veuves éplorées et les petits orphelins; parfois, c'est Marianne qui garde la tête haute, vaillante, la baïonnette ou la grenade à la main ou bien, elle est effondrée, endeuillée, voilée et pleure ses enfants morts.

Selon les régions, les sculpteurs ont raconté des histoires différentes : parfois, on prie, on se recueille et la foi l'emporte; on pleure, on hurle son chagrin et c'est la douleur qui s'impose; ici, la colère est tenace; , on prône le pacifisme; ailleurs, on travaille et les civils sont mis à l'honneur...

Tant de communes, tant de morts, tant d'histoires...



Pour moi, observer, admirer, "décoder" les monuments aux morts, c'est un peu comme lire un livre d'histoire...

Et si mercredi prochain, vers 11 heures, vous ne savez pas quoi faire, allez donc à la cérémonie commémorative du 11 novembre...
Quand tout le monde sera parti au vin d'honneur, offert par la commune ou par les anciens combattants, prenez le temps de lire les noms des p'tits gars d'ici, morts là-bas et faites quelques belles photos du monument aux morts...
Vous participerez ainsi au devoir de mémoire...

15 commentaires:

  1. je ne suis pas très "morts"... mais je marquerai le pas à ma façon.

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  2. Moi non plus, je ne suis pas "mort" mais comme tous ces gars ont été des vrais vivants avant, je pense qu'ils auraient sans doute aimé qu'on les appelle encore par leur prénom durant quelques années...
    Je déteste l'expression "l'appel aux morts" que je trouve morbide... Je verrais bien "L'appel du soir" (ou "du matin") ou encore "l'appel des absents"...

    Merci pour ta remarque sympa là-bas...

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  3. Encore un bel article ds ce style si sympa.Moi j'aimerai que se propage en France ce que font nos sauveurs British: le port d'un coquelicot sur le revers de la veste!! Bizen

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  4. Tu vois, ça dénote pas. Je veux dire : les sourires que tu évoques, cette vie, je pense sincèrement que la mort en fait totalement partie. On a nos morts, derrière nos sourires.
    Et ces morts de soldats, ce sont nos souvenirs communs, nos deuils partagés. Ils étaient fils, frères, amis ...
    Oui, des pensées, sincères. Emues aussi. Et savoir apprécier, chaque jour, notre liberté chèrement payée.

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  5. Bonjour ùmais de rien tu sais je passe te voir oui mais je ne comprend pas tout

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  6. hm
    je me rapproche de sylvie
    pour le com

    et du 'sourire' de manue ...
    pour le sourire ,O)

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  7. En ce samedi soir, merci à toutes et à tous pour vos commentaires qui me font réfléchir...
    Belle soirée à vous!

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  8. OH douce Epamin, je viens noyer mon chagrin dans tes esperluettes et tu me parles toi aussi de mort.
    Je salue ton respect pour ces braves
    J'ajoute mes larmes à mort
    Pour que nos morts reposent en paix!

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  9. Je suis vraiment navrée, très chère Lilia, que mon billet t'apporte un surcroît de tristesse.
    Cependant, comme le dit fort justement Manue, la mort fait partie de la vie. Personnellement, les souvenirs des êtres chers qui ont disparu glissent quotidiennement dans ma vie des instants de bonheur, de sourire et, bizarrement, de vie.
    La seule perte qui me semble in-vivable et totalement destructrice est celle de son enfant (je serre dans mes bras tous ceux qui ont à la supporter) car elle est contre-nature.

    Je t'envoie mes pensées affectueuses et sincères, Lilia.

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  10. Douce Epamin'
    C'est vrai, je te vois comme ça. Ton passage dans le mondes des morts t'honore en cette froide civilisation qui numérise nos derniers instants.
    La vie, ma chère, se situe entre 20 et 35 ans . Yaka regarder la télé.

    Parler de la mort sans l'avoir réellement côtoyé, n'est pas facile. C'est comme parler de la prison. C'est ceux qui connaissent que dalle qui en font leur métier.
    Le journalisme est plein de perroquets et leurs perchoirs sont souvent parisiens.
    La mort, je l'ai côtoyée, je la côtoie toujours pour des raisons professionnelles. J'ai vu bien des proches, bien des familes "bien" se transformer en lapin de garenne et se terrer dans leur trou de fortune, oubliant leurs morts.
    Ici n'êtes pas le lieu de s horreurs, je raconterai cela dans un blog plus rugueux.
    L'homme n'est pas le foudre de guerre que l'on croit et les pleutres sont légion devant la mort.
    Chez moi, chez marie-Claude nous sommes d'une race qui vivons et mourons, debout. Mais chez nous aussi, dans ce mélange Corse-Breton Espagnol, il y a aussi de déchet, du trouillard avec des gueules d'empeigne et des toutes petites mains, qui se barrent devant la mort.
    Promis,
    douce Epamin'je te raconterai cela. En attendant, je reste comme toi, en arrêt devant tous ces monuments aux morts. Derrière ce kitch affiché, quelle boucherie, quel gâchis. Faisons l'amour, pas la guerre

    PEACE AND LOVE

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  11. Bonjour Roger,

    Le premier paragraphe de ton commentaire me fait plaisir et correspond à ma pensée. merci pour ces mots de paix.

    Le reste, plus âpre, plus rugueux (c'est toi même qui le précise) est inquiétant, vindicatif et sans indulgence.

    Des deux côtés de Roger, j'avoue préférer le pacifique plutôt que le belliqueux!

    Bonne journée.

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  12. Hardcore, the way of big garden je trouve... Bref...

    J'ai un regret, au sujet de ces monuments, et je ne parvenais pas a mettre la pensée dessus... Ce sont les femmes qui manquent.
    Elles pleurent, immobiles et statufiées, mais n'apparaissent jamais en lettres dorées. Certes, ce ne sont pas des participantes aux combats en eux même, mais elles ont aussi héroïquement porté la souffrance, subi les gouffres des folies des survivants,des gueules cassées... de ceux qui justement n'ont pas eu leurs noms gravés. Et parfois même sont mortes en luttant a leur manière.

    Alors, ici, chez Epamin', je m'imagine un monument aux mortes, plus léger, plus coquet peut être, ou seraient gravés les noms des mères, épouses et filles qui ont vu leurs hommes tomber, et qui sont tombées à leur suite.

    Et puis, après tout, le devoir de mémoire n'a pas de genre, pas vrai? !^^

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  13. Coucou la future petite maman de celui que j'aime déjà tant,
    comme ton comm (hihihi!) est beau, comme ta pensée est douce pour toutes ces femmes humbles qui ont fait "tourner la boutique" pendant que les hommes mouraient loin d'elles...

    Ton propos est tout à fait exact mais à cette époque, la place des femmes était en pleine mutation et tous les hommes n'étaient pas forcément d'accord avec cette évolution... alors rendre hommage à des femmes actives, autonomes et émancipées...impossible.

    Douces pensées vers ta maisonnée...

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  14. Quand on randonne dans le coin, c'est effroyable. Des petits panneaux indiquent : 80000 morts ici, 20000 là. Quand aux récits dans les tranchées, passons...

    SNAKE

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  15. Tant de vies brisées valent bien qu'on pense à eux une journée...
    Merci de ta petite visite, ami Snake.

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