Il est de ces instants qui, lorsqu'on les vit, ont le pouvoir d'arrêter le temps et de nous emporter vers un ailleurs, bien au-delà de toutes les dimensions...
Par contre, lorsqu'il s'agit de les raconter, on se sent tout petit, malhabile, limité par les mots, gêné par les contraintes syntaxiques, pauvre d'expressions...
Tant pis, je tente...
Une petite bourgade du Nord-Est de la France...
Une grande bâtisse centenaire remise en état pour y refaire du cinéma... comme autrefois !
Quelques hurluberlus humanistes et utopistes, pétris d'enthousiasme, qui
projettent chaque semaine un film récent (voire deux quand tout va
bien!).
Un dimanche après-midi, mi-mars...
Encore aujourd'hui, nous avons fait des heureux... Youpi !
Tout le monde est parti...
Je sors de la salle.
Sur le trottoir, arrive une petite dame aux cheveux tout blancs, en chaussons fourrés. Sous son manteau mal fermé, on aperçoit son tablier bleu, sans doute, le tablier du dimanche.
Elle longe le mur de la salle, sans canne mais avec prudence. Elle tourne au coin de la rue et vient se camper devant les affiches qu'elle regarde, fixement, sans bouger.
Afin qu'elle ne soit pas déçue d'avoir manqué la séance de 14h30, je m'approche d'elle et l'informe qu'une autre séance sera proposée plus tard, dans la soirée...
Avec un grand sourire qui rendent encore plus bleus ses yeux, elle me répond:
"Vous êtes bien aimable, Madame et je vous remercie! Je ne veux pas aller au cinéma aujourd'hui. Je suis juste venue voir le mur parce que toutes ces images de films, c'est tellement joli ! "
Je n'ai rien dit. J'ai souri. Mes yeux se sont embués.
Promis, juré, c'est encore une histoire vraie...
Les images présentées ne sont pas celles de "ma" salle...